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01/2023
Agences de paris: suspension des contrôles d’identité
C’est une belle victoire que viennent de remporter en justice l’Union professionnelle des agences de paris (UPAP), la SA Derby qui exploite des établissements de paris sous l’enseigne Ladbrokes, et plus de 200 établissements de paris. Même si elle est provisoire, la décision prise par le tribunal de première instance de Namur de suspendre les contrôles d’identité à l’entrée des agences de paris fera date.
En réalité, les agences, défendues par Audrey Despontin (Sybarius) et Audrey Lackner (Vega), contestaient la légalité de l’arrêté royal du 20 mars 2022 étendant le contrôle d’accès et l’enregistrement d’une série de données personnelles aux établissements de paris. Parmi les nouvelles mesures reprises par ces textes, relevons l’obligation pour les agences de vérifier si les joueurs ne figurent pas sur une liste de personnes interdites d’accès à ces établissements. Il était question de contrôler la carte d’identité des joueurs et d’encoder ces données dans le système «EPIS» (Excluded Persons Information System) avant de les conserver pendant dix ans. Ce système EPIS a été mis en place afin de protéger les consommateurs de l’addiction aux jeux.
Face à cette nouvelle obligation de contrôle, les agences sont montées au créneau pour faire annuler les textes de loi devant le Conseil d’État. Faute d’y arriver, l’UPAP et les agences avaient attaqué l’État en responsabilité devant le tribunal de première instance de Namur. Les agences de paris estimaient que les dernières règlementations étaient contraires au règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD).
Usage policier des photos
Lors des actions menées devant le Conseil d’État, il est apparu que les photos prises lors du contrôle d’identité par les agences de paris auraient pu être utilisées à d’autres fins par les services de police. Les agences ont fourni des pièces faisant état de demandes de la police afin de connaître l’identité de l’un ou l’autre joueur venu dans leurs établissements. De même, l’UPAP et les agences ont relevé une série de failles techniques ne permettant pas de garantir la sécurité des données récoltées.
Les agences ont aussi invoqué la violation des principes d’égalité et de non-discrimination, expliquant que de tels contrôles d’identité n’étaient pas obligatoires dans les librairies qui proposent des produits de la Loterie Nationale et des paris sportifs. «La distinction voulue par la législature entre les librairies et les agences de paris ne semble ainsi ni objective ni raisonnable», lit-on dans l’ordonnance.
La Justice a donc décidé que l’arrêté royal et la loi la validant étaient contraires au règlement RGPD et aux articles 10, 11 et 12 de la Constitution. La juge a ordonné l’écartement provisoire de la règlementation contestée en attendant une décision au fond ou dans l’attente de nouvelles dispositions législatives. Constatant une faute dans le chef de l’État, le tribunal lui a ordonné de ne plus opérer de contrôles sur base de cette règlementation.
«Nous sommes favorables à toutes les mesures visant à protéger les consommateurs pour autant qu’elles soient respectueuses des données à caractère personnel. Et au vu des travers dans lesquels la Loterie Nationale est encore elle-même tombée avec la perte de données de 300.000 clients qui se sont retrouvées sur le darknet, c’est un risque auquel nous ne souhaitons pas être exposés en tant qu’opérateur responsable», nous a expliqué Yannik Bellefroid, le président de l’UPAP, avant de pointer «l’entêtement du gouvernement à imposer une règle qui, en toute objectivité, est contraire au RGPD et est discriminatoire».
«Les opérateurs de jeux de hasard ne sont pas des vauriens. Ils participent à l’économie de ce pays», a encore déclaré le président de l’UPAP qui estime qu’il faut protéger les joueurs à risque, mais pas à l’aide de moyens disproportionnés.