Press release

10/2022

Près de 10.000 parieurs bloqués en quinze jours

Depuis le 1 er octobre 2022, une nouvelle disposition législative s’impose à toutes les agences de paris basées en Belgique. Désormais, pour pouvoir pronostiquer sur la prochaine victoire du Standard, chaque joueur doit montrer patte blanche à l’entrée. A chaque passage. C’est-à-dire présenter sa carte d’identité, énoncer sa profession, être photographié et signer un registre qui compile toutes ces infos stockées… pendant dix ans. Cela permet à l’exploitant de vérifier que le parieur ne figure pas dans la base de données des personnes interdites de jeu, nommée EPIS (Excluded Persons Information System). Cette règle, déjà en vigueur dans les casinos et salles de jeu, s’applique depuis quinze jours aux 549 agences de paris du pays. Et elle fait déjà parler d’elle…

Selon les premiers chiffres transmis au Soir par la Commission des jeux de hasard (CJH), cette nouvelle mesure a engendré 9.317 blocages sur les deux premières semaines. « Ça ne veut pas dire que 9.317 personnes ont été bloquées, car une même personne peut avoir été bloquée à plusieurs reprises », précise Magali Clavie, présidente de la CJH. « C’est un chiffre manifestement important. Pour les casinos, on recense en moyenne 200 blocages par mois et on tourne autour de 1.000 blocages pour les salles de jeu physiques (trois fois moins nombreuses que les agences de paris) », poursuit notre interlocutrice.

Ce chiffre témoigne que de nombreuses personnes interdites de jeu fréquentaient donc les bureaux de paris. « On reçoit pas mal d’appels de gens qui s’interrogent. Certains ne s’étaient jamais rendu compte qu’ils étaient exclus des casinos, car ils ne les fréquentent pas. Mais toute personne en médiation de dettes figure automatiquement dans le registre EPIS, et n’a donc plus accès aux agences de paris aujourd’hui », explique la présidente.

Attaques à gogo

Le secteur, lui, a du mal à digérer. Après de longs mois d’arrêt pour cause de covid, les agences perdent quelques fidèles clients. Et estiment aussi que la quantité de données à fournir à l’entrée « décourage de nombreux parieurs qui refusent ce fichage disproportionné ».

Selon les premiers retours de terrain récoltés par Yannik Bellefroid, président de l’Union professionnelle des agences de paris (UPAP) et CEO de Ladbrokes Belgium, les exploitants constatent déjà une baisse de leur chiffre d’affaires de l’ordre de 25 %. « Je ne nie pas le problème de dépendance au jeu. Mais on n’a pas attendu le ministre de la Justice pour prendre des initiatives. Cela fait vingt ans qu’on collabore avec la Clinique du Jeu pour voir comment limiter le risque d’addiction », enchaîne M. Bellefroid, qui plaide pour qu’en dessous de 200 euros par jour et par joueur, aucun contrôle ne soit imposé. « Sans doute que le ministre veut se donner bonne conscience en prétendant protéger le consommateur avec cette loi, mais elle ne règle aucunement le problème de fond. Au contraire, les gens qui veulent vraiment jouer sont précipités dans les bras d’opérateurs illégaux sur le net, ou dans les librairies où il n’y a étrangement pas de contrôle EPIS. » Une attaque à peine masquée envers la Loterie nationale, reine incontestée des jeux en librairie. Groen a toutefois déposé à la Chambre une proposition de loi élargissant le contrôle EPIS aux librairies. Et « la Commission des jeux de hasard y est favorable », reprend Magali Clavie. « Mais il faut trouver un système technologique où le contrôle pourrait se faire directement sur la machine, car on ne peut pas demander au libraire ce qu’on demande à l’exploitant d’une agence de paris. »

En attendant, le secteur fédéré autour de l’UPAP attaque cette nouvelle disposition partout où il peut. Des recours ont été déposés auprès du Conseil d’Etat et de la Cour constitutionnelle. Mardi, une nouvelle action sera introduite en référé, contre l’Etat belge, devant le tribunal de première instance de Namur. Elle se concentre sur un point précis : le non-respect du RGPD. « En imposant une collecte massive de données à conserver pendant dix ans, le législateur impose aux agences de se mettre en infraction avec le RGPD, comme l’a d’ailleurs pointé l’Autorité de protection des données dans trois avis distincts. Nous demandons au tribunal de constater ces infractions, et de condamner l’Etat à revoir sa copie », explique M e Audrey Despontin, avocate de l’UPAP.